• le mot de l équipier

    Comme vous l'avez remarqué je n'étais pas seul sur cette transat. J'ai donc proposé à Yves de livrer ses impressions. Peu habitué des voiles à endrailler et de l'utilisation d'un régulateur d'allure (il est plus habitué à lire le vent sur des capteurs, connecter un pilote électrique et dérouler un génois)  il a été presque dérouté à son arrivée à bord. En incorrigible bavard elles sont bien plus longues que je l'aurais pensé mais je lui ai promis pas de censure,donc....

     

    Dans un accès de mansuétude Franck, le skipper de Tailana m'ouvre une rubrique d'un article de son blog en me précisant, la chose est de taille que j'y puis m'exprimer sans crainte de la moindre censure. Qu'il en soit profondément remercié.

     

    J'ai donc rejoint la famille Tailana à Saint-François en Guadeloupe jeudi 12 mai en début de soirée. Famille exceptionnellement accueillante et sympathique jugez-en : un plat de succulentes langoustes pêchées du jour m'attendait tandis que Chloé, la benjamine du clan avait débarrassé sa petite cabine pour me la céder. Quel équipier fût ainsi reçu à bord ?

     

    Au programme, transat retour, au moins jusqu'aux Açores puisque Tailana a prévu d'y rester un mois et que pour ma part, je devrai rejoindre ma tribu de préférence avant fin juin.

     

    Pour cette transat, nous partons à deux. Redoutable marque de confiance du skipper qui ne me connait qu'à travers quelques mails. Mais le reste de la famille n'est pas prêt à tenter l'aventure. Pour ma part qu'est-ce-que je risque ? L'annonce disait "langoustes et poisson au programme", j'ai connu pire.

     

    Bon. Il faut quand même préciser que le voilier Tailana n'est pas un modèle de toute jeunesse et que pour ce qui concerne les voiles, il est conservé dans son jus. Pas d'enrouleur, donc on endraille différentes tailles de chiffons mousquetonnés sur l'étais et toutes les manoeuvres de drisse et de prises de ris se font en pied de mât. En revanche, l'accastillage est moderne, de bonne facture et la sécurité sans concession. Plus tard, j'aurai l'occasion de tester le poste barre aux allures de près qui donne au barreur le sentiment d'être une racaille chassée de la banlieue à la méthode "Sarkozy". Le démarrage du moteur réclame lui aussi patience et application. C'était prévu, pas de censure et donc, je balance.

     

    Mais enfin, il faut être juste. D'abord si Tailana est un coffre en acier, ses performances n'ont rien à envier à beaucoup de polyesters de même calibre. Surprenant. Un peu moins de réactivité aux réglages peut-être, 10T d'inertie ça se connait mais une fois lancé, on bouffe du mille à dose normale. Rien à voir avec certains modèles"gros camions" dont par respect pour leurs propriétaires je tairai les appellations. Et par ailleurs, les voiles endraillées ont deux avantages. D'abord permettre une latitude de configurations plus large qu'avec un enrouleur, une voile sur chaque panne au vent arrière par exemple. Autre chose étonnante, Tailana se débrouille plutôt bien dans les petits airs. Pas un foudre de guerre, nous avons été doublés par quelques bateaux sans jamais en rattraper aucun mais tout de même, nous avancions.

     

    Mais aussi, c'est un exercice physique imposé qui maintient l'équipage en excellente condition physique. Il faut aussi être souple du collier au risque de se cogner la tête car la hauteur sous barreau baisse brutalement au niveau de la limite du roof en avançant dans la cabine. Heureusement, les barreaux sont recouverts de mousse en prévision.

     

    Ah oui, j'ai oublié de le préciser : il n'y a pas de douche (posté de barre excepté) à bord de Tailana. Franck se targue de se coucher à l'eau de mer (suffirait de barrer au prés) à poil sur la plateforme de son bateau, un litre d'eau douce pour se rincer. Il a raté son lieu et son époque : Sparte quelques siècles avant JC aurait été pour lui un paradis. Mais peut-être a-t-il raison car après tout on le dit, les ressources de la planète ne sont pas inépuisables.Pour ma part, j'ai besoin de trois litres d'eau douce.

     

    En ce qui concerne les aménagements, même si les finitions ont un coté "amateur" Tailana est original et pensé pour le voyage. Un grand carré autour d'une table de grande dimension, cuisine centrale en avant de la table, lit breton et deux petites cabines, l'une donnant dans le carré et l'autre à l'arrière dans le coqueron accessible de l'extérieur par un panneau et de l'intérieur par une coursive.

     

    La maitrise de la consommation électrique à bord de Tailana serait digne d'être citée en exemple par les tenants de la décroissance. Un seul panneau de 140W suffit largement à étaler les équipements. À savoir une VHF, un GPS basique, une glacière à compresseur et l'éclairage tout en LEDs. Le PC équipé d'OpenCPN est démarré le temps de récupérer le grib et de faire le point, une fois par jour en traversée. Et comme les batteries sont normalement chargées en début d'après-midi, on en profite pour recharger les tablettes, téléphones et autres PC si on veut regarder un film par exemple. Ah oui bien sûr, à ce tarif il n'y a pas de pilote mais un régulateur qui m'a foi fait plutôt bien son boulot.

     

    Même chose à l'économie pour l'eau. 180L pour un mois à deux et il en restait au moins le tiers à l'arrivée. Bon... A l'arrivée, il faut tout de même une bonne douche avant de se réintégrer à un minimum de vie sociale

     

    A bord, on mange bien et l'ambiance est très bonne. Comme nous démarrons, nous avons encore du frais et donc nous cuisinons toutes sortes de légumes et aussi les filets de la daurade pêchée il y a trois jours. Pour la suite on verra. Franck est un redoutable mangeur de pâtes, notamment agrémentées de sauce Bolognaise. Je crains de ne pas toujours pouvoir le suivre sur ce terrain mais l'avitaillement a été fait large et suffisamment varié pour satisfaire aux goûts de chacun.

     

    Un jour, Franck s'est lancé dans une recette de ses spécialités, la pizza cuisinée au prés serré. Expression "prés serré" qui, je le rappelle car peu de gens le savent vient de ce que le bateau se mettant à pencher, effrayées les jeunes filles du bord se serrent contre le skipper. Moi j'ai fait des crêpes mais à la cape. Sinon souvent, c'est pâtes à la Bolognaise puisque Franck en est pathologiquement dépendant.

     

    Parfois, une troupe de dauphins vient nous voir. On ne se lasse jamais de les voir sauter et s'amuser à l'étrave du voilier.

     

    Il faut que je vous reparle de ce régulateur d'allure qui fait la fierté du skipper de Tailana. Ce dispositif est d'abord là pour la sempiternelle question de l'économie d'énergie mais aussi parce-que c'est un pur produit de voileux qui oblige à une certaine alchimie des réglages, ce qui régale Franck, plus que moi objectivement. Sur ce point nous aurons de nombreuses discussions quant aux avantages et inconvénients comparés régulateur / pilote mais il me semble inutile d'en rapporter le détail des débats. Ceux qui s'y intéressent trouveront une abondante littérature sur les forums consacrés à la grande plaisance.

     

    Au final c'est vrai que c'est dur une transat. C'est vraiment un truc de guerrier. On se fait brasser, on se débat à la barre, on veille toute la nuit, on est lessivés, crevés. Si les gens savaient... Une transat, c'est un truc de fainéants. On a tout le temps de glander, de bouquiner, de regarder des films, de faire la sieste mais qu'est-ce c'est bon d'échapper à la vie du monde pendant quelques semaines.

     


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